vendredi 17 avril 2015

LES LUTTES DE CLASSE PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE de Karl Kautsky (vient de paraître)

Vient de paraître un court essai fort stimulant de Karl Kautsky "le pape du socialisme" (qui n'est pas notre tasse de thé habituellement). Nous avouons qu'il est fort étonnant voir ironique de retrouver sous sa plume cette phrase "C'est ainsi que les intellectuels bourgeois prirent possession du pouvoir d'Etat et mirent celui-ci au service de leurs théories, c'est à dire au service des intérêts de la bourgeoisie" p 79. (1) 

Kautsky se livre ici à une véritable analyse de sociologie politique et de la situation et antagonismes des classes qui n'a rien perdue de son intérêt, aussi bien pour la question dont il traite, mais aussi pour la complexité touchant aux réalités des intérêts de classe de manière générale. Si certaines questions sont entendues c'est que l'ouvrage qui date de 1889 (pour marquer le centième anniversaire de la révolution française) était destiné aux militants marxistes lecteurs de Die nue Zeit comme le précise le traducteur Jacques Hebenstreit.

Si Kautsky n'est absolument pas critique de la Terreur c'est qu'il accompagne une certainement conception de la dictature du prolétariat. Sa critique du jacobinisme si l'on peut la souligner et l'appuyer parce que juste, ne se fait que parce que "la tradition jacobine est un des plus puissants obstacles qui se soit opposé à l'apparition en France d'un grand parti social-démocrate unifié et autonome" p.92. Il n'est pas nécessaire de développer ici que c'est pour mieux retomber dans un néo-jacobinisme: l'esprit de ou du Parti.

Un ouvrage à lire donc pour sa peinture des conflictualités de classes forts complexes à la veille et pendant la révolution, exposées ceci sans concessions. S'ouvre alors un autre débat en creux pour savoir si la révolution est une affaire de développement des "forces productives" ? Si le communisme n'est pas possible ici et maintenant ? Questions tranchées par Kautsky avec toutes les ambiguïtés du "progressisme capitaliste". Une étape ? un moment du combat historique ? une victoire dans la défaite ? 

Voici un extrait fort intéressant:

"Si on néglige le fait que le prolétariat salarié moderne est une classe et pas un ordre, une couche de la société qui se distingue des autres couches par une situation économique particulière et non par des institutions légales spécifiques, si on néglige le fait que rien que pour ces raisons, il est inapproprié de parler d'un quatrième ordre. Il reste que le prolétariat existait déjà au sein du tiers état. Ce dernier englobait la totalité de la population qui n'appartenait pas aux deux autres ordres, pas seulement les capitalistes mais aussi les artisans, paysans et prolétaires. On peut aisément imaginer la masse diversifiée que le tiers état représentait. Nous trouvons dans son milieu les contradictions les plus aiguës, les buts les plus divergents, les moyens de luttes les plus différents. Il n'était pas question d'un combat de classe unitaire."p 61

Editions Demopolis 129p. 205 Traduit par Jacques Hebenstreit.

(1) Libre à tous d'utiliser cette analyse pour des événements récents ou futurs.