jeudi 30 mars 2017

Pour une critique de l'idéologie Identitaire (Transcription de l'émission de Radio Vosstanie du 18/06/2016)

Nous reprenons le Communiqué 57 (du mois de Mars 2017) de nos camarades du GARAP ou l'on trouvera la transcription de l'émission du 18 juin 2016 de l'émission de Radio Vosstanie au format PDF :



Pour une critique de l'Idéologie Identitaire



"J'ai envie d'être plus direct, il est temps qu'on fasse de l'oseille
C'que la France ne nous donne pas on va lui prendre
J'veux pas brûler des voitures, mais en construire, puis en vendre"


Kery James, signataire de l'appel à la Marche pour la justice et la dignité du 19 mars (1)


Nous soumettons, ci-dessous, à la sagacité de nos lecteurs la retranscription de l'émission « Pour une critique de l'idéologie identitaire – Contre l'assignation, pour le dépassement & la totalité », diffusée sur Radio Vosstanie. Enregistrée en juin 2016, cette émission conserve – hélas – toutes son actualité, comme l'illustre l'organisation de la marche dite « pour la Justice et la Dignité » du dimanche 19 mars 2017.

Cette infecte procession pro-capitaliste à forts relents identitaires est non seulement cautionnée par bon nombre de débris issus du trotskysme (2), du stalinisme (3), du citoyennisme (4), des Verts (5) ou du Parti Socialiste (6) mais également par moult structures à prétentions autonomes (7), libertaires (8) et antifascistes (9) Ces dernières n'ignorent pourtant rien de la nature et des buts de cette marche. Moyennant cette manifestation commune avec des réacs patentés, il s'agira en effet notamment, pour les forces déclinantes de gauche et d'extrême-gauche (dans leur forme tant partidaire que syndicale et associative), de tenter d'effectuer une récupération politique de la légitime révolte suscitée par les récentes exactions policières à Persan (10), Aulnay-sous-Bois (11) et partout ailleurs.

À défaut de faire reculer d'un pouce les « injustices » (12) – ce qui est pourtant son objet officiel –, la manifestation du 19 mars viendra surtout acter l'avancée croissante du confusionnisme sous-fasciste à gauche, i.e. l'existence de liens de plus en plus ouvertement assumés entre les tenants d'idéologies à prétentions progressistes ou révolutionnaire et certaines franges (patronales, politiques, artistiques) outrageusement réactionnaires de la société. Cette resucée grand-guignolesque du pacte germano-soviétique ne peut évidemment espérer s'imposer qu'en annihilant toute forme d'esprit critique au sein du prolétariat – à qui la manœuvre s'adresse principalement. Les exploités se voient dès lors sommés de mettre leur cerveau en pause et de recourir à la doublepensée (13) – cette forme d'auto-aveuglement acquis permettant de concilier l'inconciliable. Quelques exemples valant parfois mieux que de longs discours, nous relevons, à toutes fins utiles, les incongruités suivantes :

Le 19 mars sera une journée de confrontation-non-violente-avec-la-police :
D'un côté, des LGBT racisé-e-s t'invitent à manifester, car « l'histoire des luttes lgbt, comme toutes les luttes des minorités, est celle de la confrontation avec l'État et ses institutions, dont l'intermédiaire premier et le plus coercitif est la police ! » (14).

Pourtant, ce même-jour, tu auras le droit de t'habiller en noir et de te masquer... uniquement, selon des « ex et futurs membres du cortège de tête », si c'est dans le but de t'insérer démocratiquement dans un black bloc poli et non-violent : « Des familles de victimes de crimes policiers, rejointes par des dizaines d'organisations politiques et de signataires individuel.le.s, ont appelé à la tenue d'une marche non-violente, invitant à ce qu'y défile un cortège révolutionnaire [...] Si les familles des victimes appellent à une marche non violente, allons-y, masqué.e.s, mais en respectant cette idée d'être « non-violent.e.s ». On est dans le même camp, agissons ensemble. [...] La séquence actuelle est différente, on aura d'autres occasions d'exprimer notre rage. » (15) Est-il utile de préciser que ce cortège-de-tête-mais-pas-enragé sera situé... à l'arrière de la manifestation (16) ?

Le 19 mars, des féministes (17) et des LGBT (18) appellent à défiler main dans la main avec des ennemis déclarés de l'égalité entre femmes et hommes et des homophobes notoires, de Houria Bouteldja (« J'en viens à préférer les bons gros machos qui s'assument. » (19) à Kery James (« Hardcore, deux pédés qui s'embrassent en plein Paris [...] Hardcore, le dévergondage des femmes dans le monde entier » (20) en passant par le frère musulman Tariq Ramadan (« Nous n'allons pas, nous, dans le même sens que ce qu'on peut voir dans la société occidentale, en disant : pour véritablement montrer que la femme est libérée, il faut qu'elle puisse devenir maçon ou camionneur. Nous on dit : ça sert à rien ça. On va pas devenir stupides au point de dire : montre ta libération, deviens camionneur, conduis un camion, putain tu vas montrer que... Travaille dans le domaine de compétence qui est le tien à partir du moment où, dans la famille, on a trouvé un équilibre. »(21), le rappeur Tunisiano membre du groupe Sniper (« J'aime pas la BAC, les travelos et les gays [...] « J'aime pas les impôts, les taxes et leur connerie de PACS » (22 ) ou encore le truculent Samy Naceri connu notamment pour avoir harcelé et menacé son ex compagne, agressé une hôtesse de l'air (23), etc.

Le 19 mars, des antifascistes et des libertaires athées (24) nous somment d'aller manifester aux côtés d'intégristes, de racistes et d'antisémites : du rappeur Médine (« Crucifions les laïcards comme à Golgotha » (25), sympathisant du facho Dieudonné, au Parti des Indigènes de la République (PIR) – dont l'admiration pour le Hamas et le Hezbollah (26) pousse certains de ses membres à faire l'apologie de crimes contre des populations civiles en Israël (27) – en passant par les culs bénis de l'Union des Démocrates Musulmans Français (28) (proches de l'Union des Démocrates et Indépendants (UDI) (29) et s'inspirant du Parti chrétien-démocrate (PCD) de la catholique intégriste Christine Boutin (30), liée à l'Opus Dei), ceux de la Islamic Human Rights Commission (IHRC) (31) ou encore l'inénarrable Mohammed Ben Yakhlef (32). Ce dernier veut notamment « créer un ou des syndicats musulmans qui pourront traduire le fruit de mutations progressives dans le monde du travail français » (33) et déplore le fait que « la diabolisation du mouvement syndical dans nos pays d'origines a laissé le champ libre aux laïcistes qui se sont approprié ces fonctions. » (34)

Que les plus affamés d'entre vous se rassurent : ils peuvent reprendre, s'ils souhaitent être vraiment rassasiés, quelques louches supplémentaires de bouillie réactionnaire :

La liste des signataires comprend également une association appelée « Jeunesse ambitieuse de Bobigny » (35). Or cette structure compte parmi ses partenaires (36) les Jeunes Musulmans de France (JMF) – ayant pris part aux processions homophobes de la Manif pour tous (37) – ainsi que les Étudiants Musulmans de France (EMF), connus pour leur opposition aux blocages des facultés (38) lors des mouvements de grève ainsi que pour leurs rapports cordiaux sur les campus avec les bourgeois tendance droite dure de l'UNI.

Le Parti Pirate est également signataire (39). Or cette organisation politique veut favoriser l'entrepreuneriat (40) et est la déclinaison française du Parti Pirate suédois (41), fondé par un patron dénommé Rickard Falkvinge qui se définit lui-même comme « ultracapitaliste » (42) !

Il va sans dire que, devant le nombre effarant de structures et de personnalités appelant à la mascarade du 19 mars 2017, le présent texte ne prétend à aucune forme d'exhaustivité. Bon nombre de sous-fascistes ont donc nécessairement échappé à nos radars. Nous en avons, toutefois, identifié largement assez pour pouvoir faire le triste constat suivant en guise de réponse aux LGBT racisé-e-s susvisé-e-s affirmant « le 19 Mars, les absents seront nos ennemis » (43) : le 19 Mars, les ennemis du prolétariat révolutionnaire seront dans la rue !


https://www.mediafire.com/download/2o1bterhqs3frc4


Notes :

[1] Cf. Cf. http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/17/kery-james-lutter-contre-les-violences-policieres-n-est-pas-uniquement-le-combat-des-noirs-et-des-arabes_5081371_3232.html
[2] Olivier Besancenot, Philippe Poutou et le NPA. Cf., ici, la liste des signataires de l'appel à la Marche pour la Justice et la Dignité du 19 mars: https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[3] Le PCF, le MJCF, le PCOF, l'Union prolétarienne marxiste-léniniste (section de Paris), Marie-Christine Vergiat (députée européenne Front de Gauche), Hadj Chikh Haouaria (élue PCF dans les Bouches-du-Rhône), Elsa Bardeaux (maire adjointe PCF de Villeneuve-Saint-Georges), etc., cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[4] Les altercapitalistes d'ATTAC, mais également Paris Debout, Tours Debout, Nuit Debout Rennes, etc. Cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[5] Cf. dans la liste des signataires (https://paris.demosphere.eu/rv/52007) : Noël Mamère, Patrick Farbiaz, Alima Boumediene-Thiery. Cette dernière, sénatrice jusqu'en 2011, a manifestement un train de vie qui correspond à sa classe sociale d'appartenance : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alima_Boumediene-Thiery#Pol.C3.A9mique.
[6] L'UNEF, cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[7] Les habitants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le comité ZAD de Rennes, cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[8] Alternative Libertaire (AL), l'Organisation Communiste Libertaire (OCL), la Coordination des Groupes Anarchistes (CGA), le Comité Anarchiste Paris 7, le Groupe anarchiste Alhambra, cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[9] L'Action Antifasciste Paris-Banlieue (AFA), l'Action Antifasciste NP2C, le Groupe Antifasciste Lyon et Environs, cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[10] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Adama_Traor%C3%A9
[11] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Th%C3%A9o
[12] Question à 10 balles : une justice est-elle possible dans le cadre d'une société divisée en classes ?
[13] Cf. George ORWELL, 1984. À défaut, cf.https://fr.wikipedia.org/wiki/Doublepens%C3%A9e
[14] Cf. https://paris-luttes.info/appel-a-tout-o-e-o-s-les-lgbt-et-7632
[15] Cf. https://paris-luttes.info/pour-un-black-bloc-qui-n-a-plus-7725
[16] Cf. la rubrique « Rendez-vous particuliers » ici : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[17] Collectif FéminismeS de Rennes 2, Féministes femmes racisées antispécistes (FFRA), Union nationale de la femme tunisienne, Union des femmes socialistes, Christine Delphy, etc., cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[18] Cf. l'« Appel à tout-e-s les LGBT et associations à participer à la marche du 19 mars pour la Justice et la Dignité » : https://paris-luttes.info/appel-a-tout-o-e-o-s-les-lgbt-et-7632
[19] Cf. Les blancs, les juifs et nous, Paris, La Fabrique, 2015, p. 78
[20] Ideal J, morceau « Hardcore »
[21] Tariq Ramadan n'est évidemment pas plus ouvert d'esprit sur la question des droits des homosexuels, affirmant notamment : « La question de l'homosexualité doit être posée dans des termes de philosophie de vie : je pense que ce n'est pas ce que je considère comme le projet divin, je pense que c'est quelque chose qui va à l'encontre de ma foi. »
[22] Sniper & Diam's, morceau « J'aime pas »
[23] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Samy_Naceri
[24] Du moins l'espère-t-on !
[25] Médine, morceau « Don't Laïk »
[26] Selon les mots de Houria Bouteldja, porte-parole du PIR, « Le Hamas et le Hezbollah sont des mouvements de résistance qui résistent... j'affirme haut et fort que ces deux mouvements sont des mouvements de résistance ; c'est clair, net et précis. », cf.https://fr.wikipedia.org/wiki/Houria_Bouteldja#Proche-Orient. La Charte du Hamas est un document antisémite inspiré du Protocole des Sages de Sion, cf. http://iremam.cnrs.fr/legrain/voix15.htm. Quant aux « résistants » du Hezbollah libanais, ils ont été en lien avec le Front National (cf. l'ouvrage de Ras l'front, Petit manuel de combat contre le Front National, Paris, Flammarion, 2004, p. 67), ce qui donne une idée assez claire de la base sur laquelle s'organise leur « résistance » à l'État sioniste. Dans son dernier ouvrage en date, la même Bouteldja écrit : « Le pire, c'est mon regard, lorsque dans la rue, je croise un enfant portant une kippa. Cet instant furtif où je m'arrête pour le regarder. Le pire, c'est la disparition de mon indifférence vis-à-vis de vous, le possible prélude de ma ruine intérieure [...] Pour le sud, la Shoah est – si j'ose dire – moins qu'un "détail". Elle n'est même pas dans le rétroviseur. » (cf. Les blancs, les juifs et nous, Paris, La Fabrique, 2015, p. 54-55). Parmi profusion d'autres exemples, Bouteldja a aussi commis la citation suivante : « L'idéologie selon laquelle les couples mixtes, la rencontre entre deux cultures, c'est beau est vraiment pourrie. », cf. http://indigenes-republique.fr/revendiquer-un-monde-decolonial-entretien-avec-houria-bouteldja/
[27] Le 8 juin 2016, deux palestiniens ouvrent le feu sur des personnes attablées à des terrasses de café à Tel-Aviv, tuant quatre d'entre elles. Le soir même, Aya Ramadan, militante au PIR, publie le message suivant sur son compte twitter : « Dignité et fierté ! Bravo au deux Palestiniens qui ont mené l'opération de résistance à Tel-Aviv. », cf.https://www.marianne.net/politique/une-militante-du-parti-des-indigenes-de-la-republique-felicite-les-auteurs-de-lattentat
[28] Ceux-ci sont notamment des défenseurs zélés de la famille traditionnelle : « [La famille] est le socle moral et fédérateur de la société sur bien des aspects de la vie quotidienne. Malheureusement, depuis plus de cinquante ans, elle est régulièrement attaquée, maltraitée voire ridiculisée jusqu'aux plus hautes institutions de notre pays. Il est de notre devoir de sauvegarder le rôle salvateur de la famille et de la valoriser afin de bâtir une société solide basée sur l'échange, le respect et le partage. À l'heure où des chartes et circulaires douteuses fleurissent en totale contradiction avec les principes et droits internationaux, à l'heure où des élus osent proclamer publiquement que "Les enfants n'appartiennent pas à leurs parents", il est urgent de rappeler l'importance capitale de la famille [...] », cf. http://udmf.fr/social.html. L'UDMF réclame également, outre des aides ciblées au patronat, des moyens supplémentaires pour la police sévissant dans les quartiers pauvres : « Le travail sur ces volets prioritaires permettra de recréer de la mixité sociale en attirant [dans les zones ghettoïsées] davantage de classes moyennes, d'entreprise promptes à s'y installer modulo des aménagements fiscaux et des incitations financières (zone franche). Nous proposons, par exemple, de prévoir une enveloppe d'aide à la création d'entreprise dans ces zones via des crédits à taux zéro pour les jeunes de moins de 30 ans. Ces projets de création seront validés en commission et pourraient avoir comme critères la nécessité d'un retour sur investissement inférieur à 7 ans et la création d'emplois locaux. Il faudra également que les institutions jouent pleinement leurs rôles et soient dotées de moyens supplémentaires pour tirer vers le haut tous nos concitoyens (école, police, mairie, associations etc...). »
[29] Hocine Hebbali, l'unique élu que compte actuellement l'UDFM, l'est, depuis 2014, à Bobigny, dans la majorité municipale. Cette année-là, la ville a été enlevée aux staliniens par l'UDI Stéphane de Paoli, ce dernier s'appuyant notamment sur des réseaux mafieux locaux : cf.https://www.marianne.net/politique/bobigny-le-premier-adjoint-au-maire-condamne-un-stage-de-citoyennete et https://www.marianne.net/politique/comment-la-droite-confie-bobigny-des-petits-caids. Lorsque Hocine Hebbali ne peut pas assister aux conseils municipaux, il se fait représenter notamment par Selimane Abderrahmane (UDI) ou Nathalie Fiore (UDI) : cf., ici, les compte-rendus de conseils municipaux : http://www.bobigny.fr/1276/les-conseils-municipaux.htm. Tapinent ou ont tapiné pour l'UDI l'ancien ministre de la Défense Hervé Morin mais aussi le maire de Cholet Gilles Bourdouleix, qui a eu son heure de gloire en 2013 quand il a affirmé que Hitler n'avait « peut-être pas tué assez » de Tziganes. En vue de l'élection présidentielle du printemps prochain, l'UDI soutien Français Fillon, catholique intégriste mais également délinquant en col blanc.
[30] Cf. https://www.stophomophobie.com/elections-ludmf-hostile-aux-droits-lgbt-en-lice-pour-les-departementales-2015/
[31] La IHRC a notamment mené une campagne de soutien à Omar Abdel Rahman, islamiste emprisonné aux États-Unis pour son rôle dans l'attentat contre le World Trade Center de 1993, ayant coûté la vie à six personnes, cf. http://www.ihrc.org.uk/activities/alert-archive/8532-Alert-Prisoners-of-Faith-Campaign-Pack-US-Sheikh-Omar-Abdel-Rahman
[32] Cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007. Mohammed Ben Yakhlef est présenté comme conseiller municipal de Villeneuve-Saint-Georges (majorité municipale PCF), mais il a aussi été membre de l'association Respaix Conscience Musulmane.
[33] Cf. http://www.saphirnews.com/Pour-un-syndicalisme-d-inspiration-musulmane_a18347.html
[34] Ibid.
[35] Cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[36] Cf. https://www.youtube.com/watch?v=H9clcNn0LSY
[37] Cf. http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/gros-bataillon-de-la-region-contre-le-mariage-pour-tous-ia23686b0n955663
[38] Cf. http://www.saphirnews.com/Le-droit-de-greve-doit-aller-de-pair-avec-le-droit-individuel-a-suivre-ses-cours_a2680.html
[39] Cf. la liste des signataires : https://paris.demosphere.eu/rv/52007
[40] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_pirate_(France)#Id.C3.A9ologie
[41] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_pirate_(Su%C3%A8de)
[42] Cf. http://www.dn.se/nyheter/politik/pp-ledaren-kallar-sig-ultrakapitalist/
[43] Cf. la conclusion de ce texte déjà cité : https://paris-luttes.info/appel-a-tout-o-e-o-s-les-lgbt-et-7632


VOIR AUSSI
Déchiquetage de l'idéologie PIRiste 
(critique du livre d'Houria Bouteldja)

jeudi 16 mars 2017

Contribution à la critique du romantisme de l'anti-travail - 1975 (Extrait)

CONTRIBUTION A LA CRITIQUE DU ROMANTISME DE L’ANTI-TRAVAIL, DE L’ANTI-CONSOMMATION ET AUTRE
Ou

La maladie infantile du nouveau mouvement révolutionnaire, considérée sous ses aspects idéologiques et pratique, non violent et violent et comment y remédier.


ANONYME (1975)
 
EXTRAIT




« Le fait indéniable de la modification 
Se reflète pour les formes de conscience 
De l’immédiateté, comme une catastrophe, 
Changement brutal, soudain, venu de l’extérieur 
Et excluant toute médiation ». Lukacs


Ce que nous voudrions montrer, dans cette dernière partie, c’est que l’attitude (« pensée » / « action ») anti-dialectique signifie non seulement fausseté, impuissance, mais déplaisir ou plaisir illusoire, à l’inverse de l’attitude dialectique ; que est finalement la tactique correcte n’est que la loi du plaisir réel.

Dans l’attitude anti-dialectique (ou schizophrénique) tout instant est vécu en dehors du temps et non comme un moment d’un processus, d’une totalité, non comme une médiation entre passé et avenir (historiques).

Qui n’a pas senti un malaise physique en tenant une réunion séparée, en parlant de trucs abstraits, surtout en présence de gens qui se foutaient de votre gueule ? J’ai eu trop souvent la même sale impression, en sortant de certaines réunions anars, que lorsque je sortais du lycée : d’avoir été coupé de la réalité et d’y être brutalement ramené.

Est-ce un hasard si la plupart des écrits conseilleux ou anti ressemblent à des dissertations sans engagement précis pour l’avenir et permettant toutes les interprétations (en particulier sur le problème de l’organisation) ? Le pouvoir lui-même raffole de plus en plus de ces réunions « informelles » où on ne décide jamais rien.

Il ne s’agit pourtant pas de nier qu’une séparation, abstraction soient provisoirement nécessaires. En pensée d’une part, car on ne peut parler de tout à la fois et cela évite les répétitions. Mais cette séparation, abstraction doivent rester un moyen vers la connaissance du tout et non une fin en soi. En actes d’autre part.

Inversement le passage à l’action concrète n’est pas un critère suffisant de vérité. L’activisme et le réformisme sont les deux manifestations symétriques de cette idéologie de la pratique : « faire quelque chose à tout prix » voilà la devise. Bref les activistes qui rejettent (concrètement) la pratique sont également bornés (cf. le « parti politique pratique » et le « parti politique théorique » (Marx).

La dialectique c’est la fluidité retrouvée et l’interaction continuelle. L’anti-groupe est précisément basé sur ces deux notions qu’il ne faut jamais séparer (la dialectique du devenir n’est rien sans la dialectique de la totalité, et réciproquement). Plus de tabous (la théorie pour l’activiste, la politique pour le syndicaliste, l’organisation pour le spontanéiste, etc.). Plus d’idées « fixes », mortes (vive ceci ou cela, à bas tel ou tel truc).

Si on prend l’exemple du couple (a fortiori du groupe), il y a sans doute deux choses « tabous » : parler de la fin du couple (« il y a eu de l’histoire mais il n’y en a plus »), de l’autre parler des relations extra-conjugales, en particulier sexuelles. Au couple s’oppose la relation vivante entre (par exemple) deux personnes qui conçoivent leur liaison comme étant transitoire et totale à la fois. La rupture n’apparaît comme une catastrophe que si le couple est conçu comme éternel. Les relations en dehors du couple ne paraissent inconcevables que si le couple est vécu sur le mode de l’isolement.

Le fait de « vivre dans le présent », de « s’intéresser à l’actualité », de disserter sur la « vie quotidienne » plutôt que sur le passé n’est pas une preuve, au contraire en un sens. Car tout dépend de la façon dont le présent est vécu, conçu: soit à la manière du journaliste englué dans l’immédiat, qui ne parle certes que du présent mais sans le comprendre, de façon purement contemplative ; soit de façon dialectique.

L’immédiateté est également le défaut congénital du « maniaque » (en particulier activiste). Le maniaque n’a pas une autre conception du temps que le journaliste. Le maniaque activiste a tout un arsenal de slogans et de recettes éternels – l’idéal – (sabotage des élections, des entreprises, appel à la grève générale par exemple) à appliquer à tout moment sous peine de trahir les « principes ». Les maniaques de l’insurrection, en particulier, sont généralement sanctionnés par l’échec, sinon par la prison et même par la mort.

Le maniaque refait toujours la même action sans tenir compte des enseignements pratiques, de la situation présente. Son temps est une succession d’instants juxtaposés – comme dans le rêve. Il se peut toutefois que par hasard son action déclenche la révolution ou y contribue.
L’impatience, si elle accorde la préférence systématique à l’offensive, risque de tout compromettre (cf. Clausewitz).

jeudi 9 mars 2017

PÉTROGRAD ROUGE - La Révolution dans les usines (1917-18) - STEPHEN SMITH


PÉTROGRAD ROUGE
La Révolution dans les usines (1917-18)
 STEPHEN SMITH


EXTRAITS :

« Tout au long de 1917, le contrôle ouvrier avait visé principalement à minimiser les conséquences de la désorganisation capitaliste de l’industrie, mais il n’était pas animé que par cela : il visait aussi à démocratiser les relations sociales à l’intérieur des entreprises et à fonder de nouvelles manières de travailler par lesquelles les travailleurs pourrait prendre un maximum d’initiatives, de responsabilités, et faire preuve de créativité. En dehors de cela, émergeait une volonté d’autogestion ouvrière, qui devint évidente après octobre. Bien que des références explicites à l’autogestion (samo-oupravlenie) fussent assez rares dans le discours des comités d’usine, le concept était au cœur de leurs pratiques. Lorsque les travailleurs évoquaient l’entreprise « démocratique », ou parlaient de prendre l’usine « en main », ils parlaient bien d’autogestion. Après octobre, bien que les comités d’usine plaidaient pour une économie planifiée, possédée par l’Etat, ils ne croyaient pas que le transfert de la propriété des entreprises, du privé vers l’Etat prolétarien, suffirait à lui seul à mettre fin à l’assujettissement et à l’oppression des travailleurs. De manière vague et incohérente, les dirigeants des comités reconnaissaient qu’à moins que ce transfert s’accompagne d’un transfert de pouvoirs au niveau de l’atelier, l’émancipation du travail restera une chimère. Au cours de l’hiver 1917-18, les comités célébrèrent dans leur discours, et surtout dans leur pratique, l’initiative directe des producteurs directs dans la transformation du processus productif. Ce qui apparaît comme une accélération de l’ « anarchisme » dans le mouvement pour le contrôle ouvrier après octobre est, dans une large part, une reconnaissance que les relations hiérarchiques de domination et d’autorité à l’intérieur des entreprises devaient être remises en cause, si les rapports de production capitalistes au sens large devaient être abolis. Cette reconnaissance, cependant, restait confuse et ne fut jamais formulée dans la perspective d’une transition vers le socialisme différente de celle de Lénine et de la majorité de la direction bolchévique. » (chap 9)

« Dans quelle mesure le contrôle ouvrier s’était-il transformé en gestion ouvrière au moment où le gouvernement nationalisa toutes les entreprises à la fin juin 1918 ? La réponse est difficile car il est impossible de tracer une nette séparation entre contrôle et autogestion. A Pétrograd, la gestion ouvrière semble avoir été confinée dans une minorité d’entreprises. L’historien soviétique M. N. Potekhine a calculé qu’au 1er avril, 40 entreprises étaient nationalisées ; 61 étaient gérées temporairement par les comités d’usine ; 270 étaient sous contrôle ouvrier et 402 étaient toujours dirigées par leurs propriétaires ; ces dernières étant, dans leur écrasante majorité, des petits ateliers 54. Par conséquent, dans les grandes usines, le contrôle ouvrier était toujours la norme. En pratique, cela signifiait que la direction officielle coexistait avec le comité d’usine, et que ses décisions étaient soumises à sa ratification ou à celle de sa commission de contrôle. Les organes de contrôle veillaient à l’exécution des diverses tâches, examinaient l’état des machines, des finances, des commandes, de la comptabilité, des combustibles et des matières premières. De plus, les comités étaient compétents en matière de licenciements, de discipline, productivité et conditions de travail 55. Dans les entreprises dont ils avaient la responsabilité complète, on considérait généralement cette situation comme provisoire, un arrangement de circonstance jusqu’à ce que le gouvernement les nationalise formellement et nomme une nouvelle direction. Les modes de gestion des entreprises officiellement nationalisées variaient grandement. Dans les anciennes entreprises d’Etat, les directions furent progressivement réorganisées. Ainsi, la nouvelle direction mise en place à l’usine Oboukhov, le 20 janvier, comprenait huit ouvriers, deux membres du personnel technique, l’ingénieur en chef et un représentant des employés 56. Dans certaines entreprises privées nationalisées, le conseil d’administration comprenait des ouvriers et des techniciens, des représentants du syndicat et du sovnarkhoze. Cependant, souvent, la commission de contrôle restait en fonction, le seul changement étant qu’un commissaire responsable devant le VSNKh avait été désigné pour superviser strictement la production. Dans quelques cas, l’ancienne direction était maintenue, mais sous le contrôle d’un commissaire du VSNKh. C’est pourquoi, dans l’ensemble, les situations variaient considérablement, bien qu’on pouvait observer depuis octobre une évolution significative dans la participation ouvrière à la direction des entreprises. » (chap. 10)

« Il est possible de comprendre le cruel dilemme auquel furent confrontés les bolchéviques en 1918. Ils avaient l’intention de créer un socialisme démocratique mais leur priorité devint la reconstruction des forces productives et particulièrement la restauration de la discipline au travail. A court terme, l’utilisation limitée des formes de contraintes, l’application en particulier des méthodes capitalistes de discipline et d’intensification du travail étaient certainement inévitables. Pour autant, la plupart des dirigeants bolchéviques ont semblé ne pas avoir réalisé les dangers que posait au socialisme démocratique l’utilisation sur le long terme de méthodes qui sapaient l’auto-activité des ouvriers dans la production. C’était une conséquence du cadre idéologique à l’intérieur duquel ils concevaient les problèmes de la construction du socialisme. Ce cadre – que, pour une bonne part, ils avaient hérité de la IIe Internationale – interprétait les forces productives d’une façon étroite et techniciste ; et concevait la productivité et l’organisation du travail engendrées par la société capitaliste comme intrinsèquement progressistes. De plus, à l’intérieur de ce cadre conceptuel, il n’y avait pas de notion d’activité autonome ouvrière dans la sphère de production comme élément constitutif de la transition au socialisme. La chose était particulièrement frappante.

» Si les bolchéviques s’étaient montrés plus critiques envers les conceptions de la IIe Internationale, ils auraient peut-être été plus conscients des dangers d’utiliser, même à titre exceptionnel, des méthodes coercitives pour rétablir les forces productives épuisées. Qu’une telle compréhension aurait pu empêcher la dégénérescence de la révolution socialiste démocratique sur le long terme, comme le suggérait Charles Bettelheim, semble cependant douteux, étant donné la persistance de la guerre, de l’isolement économique et de l’arriération culturelle. L’expérience déprimante des sociétés socialistes montre que les impératifs du développement économique et social dans les sociétés sous-développées nécessitent ce type de coercition qui, en dernière instance, entre en conflit avec l’établissement de relations sociales libres. En d’autres termes, même si le gouvernement bolchévique avait été &plus perspicace quant aux dangers que comportaient les méthodes qu’il avait été forcé d’adopter, il semble probable que les circonstances objectives auraient eu finalement le dessus pour vider le socialisme de ses composantes démocratiques. Ainsi, inconscient des risques qu’il courait, le gouvernement fut rapidement forcé de suivre un chemin qu’il n’avait jamais envisagé d’emprunter en octobre 1917. Et, dès 1921, les bolchéviques n’incarnaient plus un socialisme de liberté, mais de pénurie, dans lequel les aspirations à la libération individuelle et humaine étaient fermement subordonnées aux exigences du développement économique. » (Conclusion)
 2017 - 450 pages - 17 €. Éditions Les Nuits Rouges